Votre nouveau roman, « Ape-sitter », est sorti le 12 avril 2025. De quoi parle-t-il et qu’est-ce qui vous a inspiré à l’écrire ?

Comme le titre l’indique : de quelqu’un qui garde un gros singe. Le jeune Parisien Constantin s’improvise ape-sitter tout en rêvant que tout ira mieux dans sa vie quand il décollera vers Tokyo pour ses études.

C’est en fait une paire hors pair, composée d’un petit-fils de 19 ou 20ans qui accepte d’aider sa famille en « babysittant » son grand-père Michel, pour lui permettre de rester dans son appartement. Bien qu’il soit en train de perdre un grand nombre de ses facultés physiques, Michel sait encore se défendre de cette dégradation… à sa façon. C’est inspiré de ce que j’ai vécu avec ma mère alors que j’étudiais encore ; et de ce que de nombreuses personnes me confiaient parce qu’elles étaient dans une situation similaire, mais presque toutes avec au moins 20 ans de plus que moi.

Le Japon me fascine depuis mon enfance et lorsque j’ai cherché comment équilibrer l’histoire avec un point positif fort, Constantin l’étudiant de japonais surgit dans mon esprit.

Pourquoi écrire ce livre ? Qu’est-ce qui vous a inspiré ?

 Quand on vit dans une maison aussi comiquement remplie de livres que la nôtre et que l’on passe ses journées à trimballer les emprunts de quatre bibliothèques différentes (française, américaine, universitaire et municipale allemande) on se pose inévitablement la question : Pourquoi vouloir ajouter des livres sur terre ? N’y en a-t-il pas déjà assez ?

Mon mari me rappelle parfois, avec tendresse, que personne n’a encore écrit mes livres, ceux que moi seule peut faire naître. Ce qui m’a inspiré c’est le cruel manque de littérature évoquant les jeunes aidants. Dans une société, où l’espérance de vie et le droit à l’individualité augmente, je trouve qu’il est temps de lancer le débat. Comment gérer les crises intergénérationnelles au sein des familles, se préparer plus tôt à l’inévitable, trouver des solutions plus innovantes que l’EHPAD, ne pas laisser tous sur les épaules de la moitié féminine de la société. D’ailleurs, le choix du sexe masculin pour le personnage de Constantin était délibéré.

Et comme conclusion, soyons francs : laisserais-je jamais passer une occasion de parler du Japon ? De ce pays formidable dont la philosophie et la poésie ne cesseront jamais de m’inspirer.

Comment s’est déroulé le processus d’écriture ? Vous asseyez-vous dans une pièce isolée au petit matin ?

 Déjà bien avant de recevoir mon diagnostic du spectre de l’autisme, je comparais mon cerveau à une éponge qui absorbe tout liquide qui entre en contact : je passe mes journées à être inspirée, à découvrir ce qui remplira mes livres. Quand je veux accéder à mes souvenirs ou ordonner ces pensées, je me promène (ou plutôt en ce moment, je combine prendre l’air avec des courses).

Il m’arrive de sortir la nuit, j’ai déjà entendu le rossignol chanter, vu des avions militaires voler de façon bizarre et même aperçu deux soleils en même temps, bien entendu c’était la pleine lune qui prenait la couleur du soleil levant, mais à l’ouest. J’écris ensuite dans ma pièce isolée au petit matin.

Décrivez-nous votre espace d’écriture

Le monde entier ! Sans blague, je ne sors jamais sans stylo ou crayon, du papier cela se déniche toujours quelque part si on l’a oublié, quitte à imprimer des correspondances de trains au distributeur de la gare. Je reçois de mes amis, quand iels me font des cadeaux, des cahiers et carnets. Depuis toujours, je scribouille dans le bus, en marge des feuilles dans des cours ou réunions, assise sur le premier banc ou muret ou escalier ou tronc d’arbre ou coin de sol pas trop sale…

Bien entendu, à la maison j’ai mon coin toujours propre. Sur une table fabriquée moi-même, peinte en violet clair, sous une lampe qui représente la couronne de Ubu Roi, dans une pièce serrée, au frais Nord de la maison que je ne partage qu’avec une grande population de livres et le meuble de mon tourne-disque. Le mur devant mon bureau n’est pas tout à fait blanc, c’est fait exprès, on voit encore les marques de crayons des charpentiers qui l’ont construit. C’est mon trou de souris et personne n’entre sans demander ! Pour assurer cela, l’accès est presque barricadé et un dragon garde la porte.

Les auteurs suggèrent souvent différentes pistes marketing. Pouvez-vous expliquer ce qui a fonctionné pour vous ? Par où avez-vous commencé ? Quel aspect de l’édition, de la rédaction à la conception, en passant par le marketing et au-delà, vous a le plus marqué ? Qu’est-ce qui a été difficile ? Qu’est-ce qui a été facile ou naturel pour vous ?

 Devenir une autrice auto-éditée n’a jamais été une option pour moi, parce que je n’ai aucune vocation à faire du marketing. Ce qui me passionne, c’est d’écrire des histoires et je peine déjà à trouver le temps et le calme pour cela. 

Quatre maisons d’éditions ont acceptées le manuscrit d’« Ape-sitter » et je ne regrette pas mon choix des éditions Vivat, parce que c’est un duo motivé et plein d’ambitions qui se charge vraiment de la part éditoriale ; aussi avec des conseils, des analyses et une bonne vue d’ensemble des plateformes de diffusion.

Un élément de marketing cependant m’a procuré beaucoup de plaisir, un qui manque à mes autres publications (toutes des histoires part de recueils) : le choix de la couverture ! Ma tête est remplie d’images et partager leurs couleurs avec mes lecteurs est un phénomène rare. La chasse à l’illustration était un moment fort de mon travail d’écrivaine. Je suis très heureuse que Un_Breton_au_Japon nous ai cédé sa sublime photo automnale pour la version imprimée.

En quoi consiste votre processus d’écriture ? Réalisez-vous un storyboard ou un plan avant de commencer ? Vous accordez-vous du temps chaque jour ou chaque semaine pour le terminer ?

 Je n’écris jamais de manière linéaire. Je commence par écrire les scènes que je vois dans ma tête ou des descriptions de personnages ou des bouts de dialogue qui me fascine, puis je les ordonne, tantôt dans la tête, souvent dans mes cahiers de note qui sont pleins de numéros, de flèches et de symboles pour ne pas tout recopier avant que ne naisse la bonne structure.

Sur l’ordinateur, je laisse des blancs entre les scènes, c’est plus lisible et puis je pars en expédition dans mes cahiers : Je me dis, j’ai encore besoin d’une scène qui apporte tel élément, ou bien cette information serait mieux plus tôt. Parfois, j’écris une scène d’un jet, à d’autre moment, je ne fais que noter des éléments pour développer plus tard. Puis, je raccorde les scènes cruciales entre elles. Pour finir je relis tout le manuscrit, plusieurs fois à l’écran et encore une fois comme épreuve papier. Et si le résultat ne me plaît pas, le travail recommence.

Quand ma vie personnelle le permet ou que j’approche d’une échéance, je me donne un quota de signes minimum à écrire chaque jour, si je le dépasse, j’ai un bonus le lendemain.

Quels défis avez-vous rencontrés lors de l’écriture de ce livre ?

 Vivre en Allemagne est certainement le plus grand défi pour la plupart des mères qui osent vouloir continuer leurs activités. Plutôt que de développer longuement de mon cas, je vais illustrer cela par une anecdote sans équivoque : une amie, qui a des jumeaux du même âge que les nôtres et un mari qui travaille à plein temps, avait l’idée farfelue de finir sa thèse et lancer sa carrière post-doc dès que possible, elle a téléphoné avec le service qui se charge de distribuer les rares place en jardins d’enfants, on lui a dit : « Madame si vos enfants n’ont pas de place, c’est à cause la Seconde Guerre Mondiale ! »

Vous ne saisissez pas le rapport ? Mon amie aussi a demandé, si elle avait bien compris : « Oui, c’est parce depuis lors les femmes en Allemagne ont voulu travailler elles aussi et c’est ça le problème. »

Vous ne comprenez toujours pas ? C’est vrai qu’en France on ne croit pas, d’une manière générale, que c’est nocif pour le développement de l’enfant d’être dans une institution qui lui apprend des choses avant qu’il ne soit assez mûr avec au plus tôt six ans, mais mieux sept. Donc on pense plus que de 3 à 6ans c’est une garderie (de second choix, auprès de la mère ce serait mieux).

Quel a été l’accueil réservé à votre livre par les lecteurs ? Quels retours avez-vous reçus ? Pourquoi, selon vous ?

 Ape-sitter doit être un bon livre puisqu’on m’a insulté de l’avoir écrit. J’ai en effet provoqué quelques réactions négatives très fortes qui m’ont confirmé avoir mis le doigt sur quelque chose.

J’espère briser le cliché rose de la jeune personne dévouée à aider la personne âgée qui se reproche d’être devenu un fardeau, dans un monde d’amour infini de super-soignant.es et ancêtres débordant.es de reconnaissance. Je voulais montrer la réalité des couches-culottes, oui un peu, mais beaucoup y sont déjà sensibles, c’est surtout des réalités psychiques dans certaines famille que je voulais montrer, mais sous forme de fiction. Un peu comme un récit satirique qui exagère pour mieux dégager le message.

Un septuagénaire m’a confié qu’il s’identifiait à Michel et que ce personnage le rassurait qu’il n’aurait pas à être parfait quand il aurait peut-être bientôt besoin d’assistance. Un lecteur beaucoup plus jeune, c’est lui mis dans les chaussures de Constantin, parce qu’il s’occupe de ses parents et a décrit une forte sensation de libération à la fin du livre. Je les ai aidés ! Je ne pouvais rien espérer de mieux.​

Qu’espérez-vous que les lecteurs retiennent de ce livre ?

 L’optimisme et accepter chaque personne comme elle est. Nous sommes tous différents, certains même très différents. Si l’on réfléchit un peu aux raisons du comportement de chacun, tout s’explique, mais il faut passer les apparences.